Pendant des siècles, notre connaissance du corps s’est construite à partir du mort. Dissections, planches anatomiques, schémas figés. Mais que se passe-t-il dans le corps vivant, en mouvement ?
Le Dr Jean-Claude Gimberteau, chirurgien plasticien, a ouvert une brèche décisive dans notre compréhension du tissu conjonctif. Grâce à un endoscope chirurgical grossissant jusqu’à 60 fois, il filme la matière vivante dans son état naturel, in vivo.
Ce qu’il observe, ce n’est pas seulement du fascia. C’est le fascia vivant. Une matière dynamique, vibrante, non segmentée, qui lie, connecte, réagit et transmet.
Pour commencer, je vous invite à regarder un de ses films les plus célèbre : sur YouTube
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ToggleObserver le fascia vivant
La démarche du Dr Gimberteau n’est pas une invention, c’est un retour au réel. Il ne s’agit plus de décrire les structures à partir d’un corps inerte, mais de regarder ce qui se passe réellement dans les tissus vivants : comment ils glissent, comment ils s’adaptent, comment ils vibrent au moindre geste.
Ce qu’il découvre bouleverse notre vision classique du corps. Le fascia n’est pas un simple liant ou une gaine. C’est un système d’organisation du vivant, structuré et pourtant irrégulier, fluide et pourtant solide, en continuité totale.
Trois caractéristiques essentielles du fascia vivant
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Continuité
Il n’y a pas de plans de séparation nets entre les couches anatomiques. Les fibres du tissu conjonctif pénètrent la peau, le derme, l’hypoderme, les muscles, les cellules elles-mêmes. Tout est connecté, tout est en continuité. -
Irrégularité
Ce que l’on observe n’est pas une géométrie parfaite, mais un chaos organisé. Des polyèdres irréguliers, des tissages non parallèles, un désordre qui assure souplesse, résilience et adaptation. -
Mouvement et adaptabilité
Chaque contrainte, chaque tension modifie localement l’architecture. Les fibres s’écartent, s’allongent, se réorganisent. Les cellules elles-mêmes changent de forme, se déplacent, s’ajustent. Le fascia vivant répond et s’adapte en temps réel.
Une matière sensible en relation avec les cellules
Peu à peu, Gimberteau met en lumière une complicité profonde entre le fascia et les cellules.
Il observe que les fibres pénètrent les membranes cellulaires, les enveloppent, les déplacent. Certaines cellules migrent le long des fibres. D’autres changent de forme sous l’effet d’une tension.
Cela signifie que toute mobilisation du fascia peut avoir un impact direct sur le monde cellulaire. Le geste manuel, quand il est juste, agit bien au-delà de la surface : il entre en relation avec le vivant en profondeur.
Vers une anatomie dynamique et vivante
Ce que le Dr Gimberteau nous invite à faire, ce n’est pas d’abandonner l’anatomie, mais de la compléter par l’observation du vivant en mouvement.
Il ne s’agit plus de décrire des formes, mais d’écouter les lois du vivant à l’œuvre dans la matière.
Continuité, irrégularité, adaptabilité… Ce sont là les clés d’un fascia intelligent, réactif, organique, qui ne se contente pas d’unir : il informe, il régule, il vit.
Cet article est inspiré de la conférence du Dr Gimberteau, présentée lors du Congrès international de fasciathérapie 2025. Toutes les observations mentionnées proviennent de son intervention.
Pour prolonger cette exploration, je vous recommande l’interview passionnante du Dr Gimberteau, disponible en intégralité ici.
Pour approfondir les caractéristiques structurelles et fonctionnelles du fascia, je vous recommande également cet article consacré aux cinq propriétés fascinantes du fascia